Il y a plusieurs mois, une femme m’a contacté pour je l’accompagne, elle et son partenaire de vie, dans leur nouvelle aventure de devenir parent, une seconde fois. Elle sollicitait mon implication dans leur projet de naissance, accomplir un AVAC, un Accouchement Vaginal Après une Césarienne.
Il ne s’agissait pas ici de tenter l’AVAC ni d’essayer de réussir à enfanter par voies basses, mais bien de le FAIRE. Cet état d’esprit a été au cœur de chacune de nos discussions, à chacune de nos explorations de possibilités.
Elle savait si fortement à l’intérieur d’elle qu’elle accomplirait son AVAC que dans nos discussions, on parlait peu souvent du terme en soi. Le projet était d’enfanter. Et de surcroit à domicile.
Les personnes qui me connaissent savent l’importance que ce type de projet représente pour moi. Ayant déjà vécu le processus de césarienne, se réapproprier la possibilité d’enfanter par sa Yoni est un sujet qui m’anime férocement et me met encore les larmes aux yeux par moment. Lorsqu’il n’y a pas de danger de mort réelle, que les plans sont clairs et bien définis, qu’on est informé de nos options, que des choix éclairés sont faits et qu’on est conscient de l’investissement que cela demande, tout est possible.
Emprunter le chemin de l’AVAC, cela demande du courage, de la persévérance, de prendre soin de soi encore plus, de se battre par moment même si on souhaite ne jamais devoir en arriver là.
C’est tenter de rester lucide à tout moment et faire des choix en fonction de soi et des faits qui se présentent.
Parfois, c’est rencontrer des professionnels qui croient mordicus encore au dicton bien dépassé « Césarienne un jour, Césarienne toujours ».
C’est rencontrer certaines personnes qui vont craindre pour nous parce qu’on leur a fait peur avec de « potentielles » complications qui « pourraient » survenir à un faible pourcentage ou qu’on leur a vanté les avantages de la césarienne en omettant de mentionner les nombreux risques et inconvénients.
Planifier son AVAC, c’est tisser à l’intérieur de soi la confiance inébranlable que nous pouvons le faire, que nous avons tout ce qu’il faut pour y parvenir, tant bien que mal pour se reconnecter avec sa capacité à enfanter qui parfois, a été fortement inébranlé lorsqu’on a vécu une césarienne.
Bien sûr, toutes les personnes ne vivent pas le même genre de cheminement par rapport à leur expérience. N’en reste pas moins que plusieurs personnes qui attendent un nouvel enfant réclament leur droit de se réapproprier l’enfantement de leur enfant avec vigueur et parfois, avec ténacité.
Toujours est-il que ce couple a fait ce choix de planifier une arrivée sur terre pour leur enfant comme il le souhaitait et a prévu d’accueillir leur bébé à la maison avec l’assistance de Sages-femmes. Donc, je les accompagne dans cette aventure de grossesse et de préparation à la naissance avec le plus d’humanité et d’écoute possible.
Une grossesse remplie de surprise et d’émoi, des espaces de discussions pas toujours simples à naviguer où les expériences antérieures font parfois sentir leurs échos. C’est avec vulnérabilité et force que ces parents ont plongé dans leur aventure, en posant des questions, en faisant valoir leur consentement éclairé et en mettant par moment certaines limites.
Ils planifient leur plan de naissance idéal et leur plan de postnatal optimal en choisissant le plus de détails possibles conformes à leurs valeurs, désirs et souhaits.
Des rituels pour harmoniser l’espace de naissance et pour libérer des peurs sont faits.
On prépare aussi ensemble cette gestion de sensations si présente dans les enfantements.
Ils souhaitent tellement être prêts qu’ils choisiront de suivre une formation d’accompagnement à la naissance supplémentaire en ligne pour s’assurer d’être le plus informés possible.
Vers 37 semaines, ils ajoutent l’acuponcture, séance de Reiki et d’acupression, la marche, des visualisations, tisanes, huile d’onagre, ballon, et tralala. Tout y est.
Et puis…38 semaines…
39 semaines...
40 semaines…
À ce stade, le col est long et fermé, pas encore prêt à ouvrir la porte. Il attendra qu’on patiente et qu’on laisse la nature faire, qu’on abandonne durant une semaine les trucs et astuces pour stimuler le travail.
Et à 41 semaines l’ombre d’un déclenchement à l’hôpital plane.
Les parents optent plutôt pour tenter un déclenchement à la maison des naissances, supervisé par les sages-femmes. Ballonnet, tisanes, Huile de ricin, tire-lait, marches et discussions…
Après une journée de protocole de stimulation, les contractions arrivent en soirée et animent une partie de la nuit… jusqu’au moment où mon téléphone sonne à 4 h du matin pour me dire que ça y est, les contractions sont bien là, transportant maman dans son vortex bien entre les mondes.
Je m’active et me dirige vers leur domicile. J’arrive à 5h et rencontre Grand-maman qui prendra soin du plus grand lors de son réveil. Papa est à la fois enjoué à l’idée de rencontrer son second bébé aujourd’hui et triste de voir son premier enfant quitter l’espace.
Je me dirige vers les entrailles de la maison, là où gronde une mère en devenir, une mère qui «ride» des contractions puissantes et pas toujours facile à chevaucher. Le rythme encore irrégulier m’indique que je suis probablement arrivée un peu tôt, mais la puissance de l’hymne qui est chanté m’invite à rester.
Je rencontre maman qui est couchée sur son lit et sourit, si heureuse que ce qu’elle avait souhaité se produise enfin. On s’ajuste dans nos fréquences, c’est aujourd’hui que cela va se produire.
J’installe un autel avec des pierres, de l’encens que mes clients aiment particulièrement et une bougie de personne enceinte qui graduellement accompagnera la transition vers cette nouvelle parentalité. Et je rejoins ma cliente maintenant accroupie appuyé sur son ballon, silencieuse à ses côtés.
Quelques minutes plus tard, la sage-femme arrive à pas feutrés. Pleine d’assurance et silencieuse, avec la délicatesse dont ce genre de moment impose. En respect avec ce qui se vit dans l’instant présent.
Tout va bien.
Elle évalue maman. On a encore du temps.
Les parents sont invités à se reposer et préserver leur énergie le plus possible en avant-midi. Maman s’endort profondément entre chaque contraction. Ses ronflements doux et constants ressemblent au bruit du vent qui entre dans le creux des cavernes, nous invitant à nous connecter à notre essence mammifère et sauvage.
La garde de la sage-femme se termine, elle quitte l’espace.
Je reste avec eux.
Papa en profite pour aller se coucher et reprendre des forces, lui aussi n’a pas beaucoup dormi la nuit dernière.
Je reste au côté de maman et du bébé en transition quelque temps.
Un peu plus tard, papa revient, et la fatigue me gagne aussi.
Comme les parents gèrent les contractions parfaitement, je choisis d’aller manger et me coucher une heure chez mes parents qui demeurent près de leur maison. Un moment salutaire qui m’aura permis de me restaurer et nourrir mon énergie pour être en forme pour ce qui se dévoilerait à nous plus tard. La vie nous soutient dans ce parcours. J’avais mis mon réveil pour m’assurer de me reposer suffisamment et pas trop. Je me réveille 2 minutes avant la sonnerie et me rends compte que j’avais prévu ce réveil pour LE LENDEMAIN. Haha! La vie est bien faite. MERCI. Je reviens et rencontre la nouvelle sage-femme de garde. Une personne douce et à la fois confiante, une âme née sage-femme.
Elle sait.
Elle est.
La personne parfaite pour tenir l’espace de cet enfantement précisément.
Ma cliente passe rapidement de col fermé à 3 cm, et après à peine 2-3 heures à 7 cm!
Humm hum. On y est.
Elle chante ses vocalises, appelle son bébé, papa est présent pour tout un chacun, apporte le ravitaillement et prépare une assiette de fruits pour sa douce. Il veille au grain, à ce que rien ne manque, à ce que tout soit en place. Je lui rappelle de manger lui aussi.
La sage-femme et moi décidons que c’est le meilleur moment pour aller se chercher quelque chose à manger. Je m’occupe de cette mission et au retour, la seconde sage-femme arrive avec moi, fraiche et dispose à l’événement qui se dessine.
Les contractions sont de plus en plus fortes et le travail évolue rapidement. Des moments riches de rires et de larmes s’offrent à nous, à eux, comme des cadeaux nous faisant sentir privilégiées d’y assister.
Comme ce moment où dans la salle de bain, la poche des eaux se rompt d’une puissance à presque faire trembler la maison. Un son suffisamment impressionnant pour que la deuxième sage-femme qui se trouvait à l’étage s’active et vienne nous rejoindre. Les contractions qui s’en suivront seront tout aussi impressionnantes dans leur vigueur et leur intensité nous dévoilant un couple prêt à tout pour mener à bien leur projet.
Et soudainement… on entend rire. Pas un rire léger et doux, mais bien des éclats de rire FORT, à gorge déployée, qui surgissent.
Toujours ensemble dans la salle de bain, le père (à la demande de la mère) propose une technique de thérapie par le rire. Et il rit et utilise ce qu’il sait le mieux faire, accompagner par le rire, parce que c’est son travail, son point où il se sent aussi puissant et tellement utile.
Et plus elle grogne et rugit ses sensations, plus il rit fort et l’accompagne dans son mouvement. Telle une célébration, chaque sensation, de plus en plus intense, promet la naissance imminente de leur enfant tant aimé déjà. La promesse d’un tissage plus doux ensuite, d’un postnatal qui se présente déjà.
Et ils célèbrent. Ils festoient la puissance de la vie qui s’impose. Jusqu’à ce que les deux parents éclatent d’un rire naturel incontrôlable, un fou rire partagé, se retrouvant sur la même longueur d’onde.
Tandis qu’ils partagent ce moment, de l’autre côté d’eux, moi je verse des larmes, tellement touchée de pouvoir être témoin d’un moment si doux et riche, tellement vrai et si authentique.
Et les sages-femmes présentes sont tout aussi impressionnées par ce qu’elles entendent. Quel moment précieux.
Les 3-4 h suivantes se présenteront surprenantes dans les ressentis.
Il y a bien des choses qui sont impossibles de prévoir dans un enfantement. Et on accueille, et ils accueillent et ils le font ensemble.
Papa prend sa place auprès de sa douce et s’impose au travers des professionnelles présentes. Il manifeste fermement sa présence sans négociation, sans hésitation. Il est fort, il est prêt, il est arrivé. Il réclame son droit d’exister, d’être le gardien de l’espace dans toute sa puissance.
Jusqu’ici bébé et maman vont bien et traversent leur transition vers la vie extérieure.
Bébé engage sa marée et traverse le grand col, celui qui a enfin décidé d’ouvrir ses portes qui semblaient infranchissables jusqu’à maintenant. MERCI!
Bébé descend de plus en plus jusqu’à se loger sous la symphyse, pendant presque une heure.
Humm..
Maman fait tout ce qu’il faut. Placée à quatre pattes appuyées sur la barrière de lit, le cœur du bébé se mets à déceler… on continue. Plus moyen de reculer. L'Avenir est maintenant!
Le cœur du bébé commence à être fatigué et cherche la manière de traverser l’étape de la symphyse.
La poussée dirigée est présentée par l’équipe médicale.
Après quelques minutes, plusieurs positions sont proposées pour faire bouger le bassin : couché sur le dos, sur le côté pour finalement choisir de se mettre debout, appuyé sur la monture du lit.
Des poussées, soutenues par la gravité, debout, accroupie, avec la force de vivre et la détermination de chacun.
La tension est palpable par moment.
Le moment est décisif.
Papa propose un morceau de chocolat à sa douce pour l’encourager, tout le monde dans la pièce a droit à son bout de cacao.
Et une, deux contractions plus tard…
La tête nait!
Et le corps ensuite, précisément à 21h24.
Elle l’a fait!
Ils L’ONT FAIT!
Ils le savaient.
Maman est debout au bout du lit, tient bébé dans ses bras, comme ahuri, encore entre les mondes et en train de chercher le trajet de son retour vers la réalité ordinaire.
Elle le tient dans ses bras, leur bébé dont on ne connait pas encore le sexe.
Elle se dirige pour se coucher sur son lit.
Elle le regarde, et on crie dans la pièce « C’EST UN GARÇON!! ».
Elle peut enfin s’installer pour faire naître son placenta et entrevoit le repos qui se présente à elle.
On respecte l’heure de l’enchantement, cette heure où l’ocytocine est à son comble.
Les professionnels sortent de la pièce et laissent les parents tranquilles ensemble avec bébé.
Les parents sont aux anges et si satisfaits.
Maman est sur un nuage.
Bébé apprivoise le sein et la première tétée guidée par sa mère et encouragée par son père.
Bébé est toujours lié à son placenta dont le délai de clampage n'est même pas déterminé. Ils resteront ainsi, tous les quatre, dans leur espace sacré près d'une heure.
L’ambiance est festive, tout le monde est joyeux et souriant, le cœur léger.
Plus tard, j'accompagne ma cliente pour une visite à l’hôpital pour qu'elle puisse recevoir quelques soins supplémentaires avant de pouvoir définitivement retrouver le confort de ce postnatal qui est maintenant là. Une courte visite pour revenir à la maison auprès de son chéri et de bébé qui l’attend patiemment, ayant bénéficié de son colostrum préalablement extrait lors de la grossesse. Le colostrum, aux saveurs du liquide amniotique qui rassure par les réminiscences de la vie intra-utérine. Une attente dans le calme, en peau à peau, bien au chaud et en sécurité, réfugié près du cœur de son père.
Pendant ce temps, sages-femmes et aide-natales s'activent comme des abeilles dans la maison nettoyant salle de bain, sol, lit et espace de vie, faisant fonctionner la machine à laver en s'assurant de rétablir l'ordre et la paix. Silencieusement et discrètement, ce groupe de femmes s'assurent que tout est propre et en place pour libérer l'espace ensuite.
Maman va bien. Bébé va bien. Papa est souriant.
Un AVAC complété à domicile, en puissance ultime, accompagné par des sages-femmes, professionnelles et gardiennes de l’espace. Que c'était beau et riche.
Il est 1h30 du matin, je suis de retour chez moi après une belle et bouleversante journée, remplie d’une gratitude infinie pour avoir pu témoigner en tant que Doula de ces instants.
Je suis de retour à ma vie familiale, à ma propre réalité, dans cette maison endormie pour la nuit.
J’embrasse mon garçon qui dort, et ma grande fille pour qui c’est la journée d’anniversaire.
Et je me dépose dans ma tanière, notre refuge à nous.
Mariepier
NOTE MAGIQUE:
Ce petit bonhomme est né à 21h24, au mois de juin. Mes enfants à moi sont nés le 21 et le 24, au mois de juin. La vie est magique.
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