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Photo du rédacteurMpier R. Lamoureux

Les traumas de naissance

Tranche de vie

Aujourd’hui, je me suis réfugiée dans la rivière.

Dans le cadre de mon parcours à l’École de Doula, nous avions comme mission de trouver un point d’eau dans lequel s’immerger. Un processus en conscience pour déposer dans la rivière des traumatismes, des blessures que nous portions à l’intérieur de nous.


Cette mission, elle nous a été proposée à la mi-juin. J’ai eu suffisamment de temps pour la mettre en action. Les journées chaudes ont été au rendez-vous. Et pourtant, c’est aujourd’hui que j’ai enfin pris mon courage à deux mains et que j’ai fini par l’exécuter.


Décision prise, j’organise ma journée en fonction de ce rituel. Et les défaites sont apparues...

« Voyons Marie, il fait 18 degrés aujourd’hui, tu vas attraper froid! » « Il est où mon maillot de bain préféré? Je ne peux pas mettre l’autre que j’ai trouvé. » « Seigneur, qu’est-ce que je fais si je ne suis pas seule au point d’eau que j’ai choisi? » « Y’annonce de la pluie, je devrais plutôt remettre. J’me demande ce qu’Environnement Canada à prévu comme température dans les prochains jours? » « Merdouille, mes souliers d’eau sont dans la voiture que mon complice à pris et je n’y ai pas accès , je vais avoir du mal à marcher sur les galets de la rivière. »

Etc... les défaites ne manquaient pas. Elles ne manquent jamais. Et puis merde j’y vais quand même. Tant pis. Ou plutôt tant mieux. C’est le moment ou jamais. Ce sera plus temps au mois de janvier.


J’arrive sur le lieu, je suis seule humaine et je me rends compte qu’un rassemblement de bernaches se rafraîchit dans la rivière. Je suis accueilli par leurs cris, leur discussion sauvage. Elles restent proche.


Je touche l’eau, elle est froide. Les bernaches me regardent du coin de l’œil sans trop se soucier de moi. Et je me décide enfin... je me mouille enfin. Au moment d’entrer dans l’eau, une envolée d’autres bernaches qui étaient de l’autre côté de la rivière me survolent et s’installent près de moi. Je ne suis pas seule.


J’y vais pas à pas. J’apprends la lenteur grâce à l’absence de mes souliers d’eau. Les jambes, ça va. Mais rendu au niveau du bassin, je sens la morsure de l’eau froide. Et j’ai envie de sortir de l’eau. Et j’ai envie de pleurer. Et je choisis. Ce n’est pas le moment de reculer. Si près de l’achèvement. « On commence, on finit. » que je me dis. « Aller! ».


Je choisis de me laisser traverser par l’expérience, je choisis d’abandonner mes appréhensions, de me laisser fragmenter par le rituel. Juste avant de m’assoir dans l’eau froide, je vois en amont de la rivière une plume de bernache de qui flotte sur l’eau et se dirige vers moi. Je me sens soutenue dans ma démarche. Je l’accueille avec émotions et reconnaissance. Et je m’installe dans la rivière.

Je laisse couler l’eau entre mes jambes. Et ça me fait penser ces eaux que je n’ai pas perdues lors de la naissance de mes enfants. Je repense à leurs naissances, à la mienne. Je me connecte à mon placenta sacré en pensée, je me relis à lui pour cette traversée.

Et j’ai décidé de me laisser bercer par la rivière, de me laisser purifier par elle.

Sur son lit, je me suis déposée.

Dans ses eaux, je me suis confiée.

Je l’ai supplié de prendre avec elle

Mes blessures du passé,

Mes moments égarés,

Mes traumas séquestrés.


J’ai laissé couler en elle mes espoirs naufragés,

Mes rêves inachevés et ceux jamais incarnés,

Et ces larmes avec lesquelles je me suis empoisonnée.

Je lui ai confié mes chagrins d’enfant,

mes peines d’amours d’adolescente,

mes souhaits de maman,

mes fantasmes de femme.


J’ai déposé dans le courant deux déclenchements,

des efforts acharnés,

les douleurs des contractions inefficaces,

l’espoir de l’enfantement,

les scénarios maintes fois rejoués,

la culpabilité enfouie,

les regrets de n’avoir pas toujours su exister.


Je l’ai suppliée de me libérer de la mémoire tranchante du métal sur ma peau,

celle qui est venue piller mon ventre de mes enfants.

J’ai laissé partir avec elles les larmes et les déceptions,

les cris de détresse étouffés,

le sentiment d’échec de ma lignée,

les moments où j'étais seule à pleurer en silence,

cachée dans la noirceur de ma chambre.

Aujourd’hui, j’ai décidé de laisser partir les deuils et les croyances,

les désirs non célébrés et dans ses eaux, j’ai accepté de pardonner.


De me pardonner.


Me pardonner pour les exigences et la brutalité,

Me pardonner pour ma non-disponibilité,

Me pardonner pour cette lutte qui n’en fini plus de détruire,

Me pardonner de n’avoir pas su enfanter.


J’ai aussi honorée...

J’ai honorée la femme blessée.

J’ai honorée celle qui s’est imposée.

J’ai honorée cette femme qui s’est respectée.

J’ai honorée la femme reconstruite.

J’ai honorée la femme sage qui nait de plus en plus.

J’ai honorée la force et l’animal.

J’ai honorée le courage et l’humilité.


Et j’ai fini par me consoler.

Et j’ai fini par «aimer».





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