Je n’ai jamais pensé écrire un texte sur le sujet auparavant.
Vivant dans une société où l’on glorifie la constance sous toutes ses formes.
La constance de la performance.
La constance de la présence.
La constance du bien-être et de la santé mentale.
La constance de l’endurance et de l’énergie égale et non changeante.
La constance de la tolérance et de la persévérance.
La constance des efforts et de l’acharnement.
Toute cette pression qu’on nous enseigne et que l’on entretient à être au top au jour le jour sans laisser paraître que nous sommes des êtres fluctuants, des êtres régis par des cycles, extérieurs comme intérieurs, et plus particulièrement en ce qui concerne les personnes qui portent un utérus.
Nous, ces personnes qui menstrues, qui portent le cycle du sang sacré, sommes influencées par le rythme de ces saisons qui nous habitent, même si nous luttons contre ce mouvement naturel qui s’active en nous, qu’on le veuille ou non.
Parfois, je sens que je peux, que je dois être en mouvement, dans l’action, dans le dynamisme vivant de la vie. Je ressens les possibles autour de moi et j’ai l’énergie de les concrétiser, de les voir naître au grand jour et de les porter. Je sens que le soleil est mon allié et que sa présence me célèbre. Je suis dans l’été.
Parfois, je sens que l’intérieur m’appelle autant que l’extérieur dans ma capacité à être en présence, de moi et de l’autre. Je sens que mon rythme m’impose de ralentir, à graduellement me diriger dans la pénombre de mon être. Mes réactions sont plus vives, plus protectrices, moins tolérantes. Je suis dans l’automne.
Parfois, le refuge est la seule option possible. Ce lieu où je me terre pour canaliser mes propres “téléchargements”, connecté essentiellement à mon propre canal d’informations, de sensations. L'extérieur n’a plus sa place, mon écoute vers le non essentiel est limitée, parfois totalement indisponible. Je suis plongé dans mon hiver intérieur.
Ces saisons, qui habitent en chacun d’entre nous, ont leurs raisons d’être. Elles s’inscrivent dans un processus d’écoute de soi, de respect du rythme de chacun.
Tout le monde le vit, personne n’en parle.
Lorsque tout à l’heure dans l’espace de ma chronique hebdomadaire à la radio, on effleure le sujet des “menstruations”, je prends conscience de cette peur d’ennuyer les autres avec le sujet. Comme si parler de la présence de notre sang sacré pouvait encore aujourd’hui, déranger quelqu’un de l’auditoire. Comme si parler de ce sujet qui touche toute l’humanité pouvait encore choquer, encore surprendre par tant de naturel!
Quand dans les discussions que j’ose maintenant initier sur le sujet, j’observe à la fois la peur du jugement et le soulagement qu’on en parle enfin, je prends une fois de plus conscience que l’on passe à côté de l’essentiel, par manque d’éducation, par manque d’ouverture, par maladresse, parce qu’on nous a dit qu’avoir ses menstruations étaient sales, repoussants. On devrait avoir honte!
C’est un sujet exclusivement réservé aux femmes svp! Merci de ne pas en parler!
Les jeunes filles sont confinées dans leur expression et leur expérience sur le sujet et les garçons forcés de regarder ailleurs. S’t’une affaire de filles!
Mais si aujourd’hui, en 2022, on acceptait de comprendre que de parler de ce cycle de la vie, d’aborder ce sujet d’une importance cruciale, c’est normal et essentiel.
Et si on pouvait discuter ouvertement avec les gens qui nous entourent sans se soucier du genre ou de savoir si cela les concerne ou non, pour la simple et bonne raison que c’est normal et essentiel, que c'est une question de vie et de mort.
Et si on assumait que d’ouvrir un espace de dialogue pour parler de nos rythmes qui interagissent inévitablement avec tous les humains qui nous entourent, tout ce qui vit autour de nous, c’est normal et essentiel, une occasion salutaire.
On comprendrait peut-être pourquoi certains se séparent, pourquoi d'autres s'épuise, pourquoi les voisins divorcent, pourquoi elle se sent incomprise, pourquoi ils ne s'écoutent plus, pourquoi on ne s'endure plus, pourquoi plusieurs charment, pourquoi elles se disputent, pourquoi on apprend de moins en moins à s'aimer.
Et si on osait enfin briser ces tabous, on pourrait améliorer et proposer un espace sécuritaire dans nos relations de couple, dans nos relations au travail, dans la relation que nous entretenons avec nos enfants et ceux qui les suivront dans les générations futures. On pourrait ouvrir le dialogue sur ces femmes qui ont des visions durant la venue de leur sang sacré, on pourrait respecter l’énergie disponible pour certaines actions en particulier, on pourrait soutenir mieux ces personnes qui nous entourent en étant présents d’une manière consciente et efficace. On pourrait assurer à nos enfants de pouvoir s’exprimer sur leur vécu sur le sujet en tant que filles, garçons, ils ou elles ou iels peuvent tous se sentir concernés.
J’appelle à l’ouverture des consciences, à la responsabilisation de notre société à renaturaliser les cycles qui nous habitent. J’appelle au respect de notre vraie nature, d’êtres vivants et se développant de manière biologique, émotionnelle, intellectuelle, sensorielle et spirituelle. J’appelle et réclame l’accueil et le respect du rythme de chacun.
Je fais ces réclamations pour celles qui m’ont précédé, pour celles qui sont et celles qui seront dans ma lignée d’êtres, pour qu’enfin on puisse être libre de s’exprimer, sans gêne, sans marcher sur des œufs, sans avoir peur de brusquer ou de choquer, de se sentir juger voir même renié.
C’est un appel d’espoir pour la génération que nous avons engendrée, pour ma fille et sa propre descendance. Pour qu’un jour, lorsque ce sera son tour, elle sente qu’elle puisse librement honorer l’arrivée de son sang sacré. Mariepier
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